Les vertus du passé pour la société du futur, par Roland Lehoucq - Futura

En physique ce constat est une évidence car, selon elle, l'énergie mesure la capacité d'un système à transformer la matière.

Les activités humaines transformant de la matière en produits et en services, et chaque transformation requérant de l'énergie, il semble logique que la production économique, dont le rythme est mesuré par le produit intérieur brut (PIB) annuel, repose sur la puissance des machines du système productif.

Une transformation particulière, la combustion, joua un rôle central dans l'évolution technique de l'humanité : grâce à une machine thermique, une partie de l'énergie chimique du combustible est convertie en travail mécanique.

Actuellement, 80 % de la puissance de nos machines, dix-huit mille milliards de watts à l'échelle mondiale, provient de combustibles fossiles non renouvelables, charbon, pétrole, gaz, dont l'abondance et le faible coût ont joué un rôle décisif dans la croissance économique de la seconde moitié du XXe siècle.

Autrement dit, pour la première fois dans son histoire, l'humanité doit renoncer à utiliser des sources d'énergie alors qu'elle a passé toute son histoire à les empiler les unes sur les autres pour augmenter sa puissance.

En effet, si sa consommation est à la base de la création de richesse qui rythme l'évolution de nos sociétés, il faut aussi se poser la question de l'origine de cette consommation qui n'existe pas ex nihilo mais repose sur des volontés humaines, qui ont elles-mêmes des déterminants politiques et économiques.

Ainsi le passage des énergies musculaire, éolienne et hydraulique à l'énergie thermique durant le XIXe siècle n'est pas entièrement dû à des raisons techniques, et tient largement à des raisons économiques ou politiques.

Bien que l'unité d'énergie produite par une machine à vapeur au charbon coûte plus cher, soit plus polluante et plus dangereuse, les industriels anglais du textile favorisent cette voie car elle permet une production d'énergie individualisée et localisée dans les centres urbains où la main-d'œuvre est abondante, ce qui d'ailleurs favorise le patronat face aux mouvements sociaux.

Par la suite, l'industrie du charbon révéla à son tour sa faiblesse : l'extraction et la commercialisation dépendaient de mineurs à qui leur savoir-faire et leur autonomie donnaient les moyens de peser sur le système économique?

C'est grâce à ce pouvoir que les mineurs et plus largement les ouvriers européens ont pu améliorer leurs conditions de travail à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Autrement dit, les choix énergétiques du passé n'ont pas uniquement répondu à une rationalité technique mais aussi largement à des choix politiques.

Cette nécessaire réduction de la production et de la consommation concerne en particulier les humains les plus riches mais c'est collectivement qu'il faudra faire preuve d'anciennes vertus : la tempérance, pour renoncer à la puissance que nous confèrent les énergies fossiles, la justice, pour que le poids de cette renonciation soit équitablement réparti, la prudence, car il faudra faire les bons choix techniques, mais aussi politiques et sociaux, et enfin la force d'âme, pour affronter les épreuves qui s'annoncent

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